24/01/2010

Echec du dialogue inter-nigérien : Tandja opte pour la politique du pire !

Le médiateur désigné par la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), le général à la retraite Abdul Salami Abubakar, a retenu la date du 3 février prochain pour la reprise des négociations. Il ne se fait aucune illusion sur la suite du dialogue. Il sait qu’il n y a plus d’issue pour le dialogue qui a été voulu inclusif et ultime solution à la crise politique qui mine le pays depuis 7 mois. Il est conscient que les chances de ce dialogue sont nulles.

Le dialogue s’est éteint depuis la semaine dernière, avec l’annonce faite par le chef de l’Etat de la sacralité de la 6è République. La conséquence, c’est que la Constitution issue du référendum du 4 août dernier, les élections législatives et municipales organisées en octobre et décembre derniers sont irréversibles. C’est ce que confirment le ministre de la communication, porte-parole du gouvernement, Kassoum Mamane Moctar, et plusieurs autres « idéologues » de la refondation. Or s’il y a crise aujourd’hui, c’est parce que la légitimité et la légalité de cette Constitution sont sujettes à caution ; elles sont contestées par l’opposition et la communauté internationale. C’en est fini pour le dialogue. La coordination des forces pour la démocratie et la République (CFDR-opposition) a déjà informé ses militants et l’opinion publique qu’il n y a rien à attendre.

Faute de compromis acceptable par tous, il est évident que la communauté internationale qui a déjà pris des sanctions ciblées contre le Niger va passer à la vitesse supérieure.

L’échec de la médiation signifie de facto l’adoption de nouvelles sanctions économiques, financières et diplomatiques contre le Niger. Dans le document de conclusions de l’Union européenne, à l’ouverture des consultations avec le Niger, le 8 décembre dernier à Bruxelles, il a été rapporté que « les mesures conservatoires limitant la coopération avec le Niger resteront d’application, mais l’UE pourrait soutenir par des mesures d’accompagnement les progrès qui iraient dans la direction souhaitée ».

En attendant que le dialogue inclusif, promis par le gouvernement nigérien à Bruxelles, produise ses effets, l’UE a maintenu les sanctions financières contre le Niger. C’est ainsi que les interventions de l’UE en appui Programme et en appui Projet sont concernées par les mesures conservatoires. En conséquence, les décaissements non exécutés sont gelés. Aussi, une aide budgétaire pour un montant de plus de 46 millions d’euros (soit 30 millions pour l’exercice 2009 et 16 millions de l’exercice 2008 non consommés et transférés sur l’exercice courant) est gelée. Pour l’exercice 2010, les mesures conservatoires toucheront 30 millions d’euros. Au total, ce sont une cinquantaine de milliards FCFA d’aide budgétaire qui sont concernés par le gel décidé par l’UE.

Si au bout de 4 mois, à compter du 8 décembre, aucun dénouement de la crise politique n’intervient, l’UE passera ainsi à un stade graduel de sanctions qui pourraient aller de la suspension de son intervention sur une période plus ou moins longue dans un ou plusieurs secteurs d’activités à l’annulation pure et simple de ses appuis sectoriels et ou budgétaires voire même globaux.

C’est aussi dans ce contexte que certaines sources laissent entendre que les ressources destinées au recensement général de la population en 2011, d’un montant de près de 10 milliards FCFA, seraient annulées.

Pour leur part, les Etats-Unis ont suspendu les financements de la société de défi du millénaire (MCC) d’un montant de 23 millions de dollars US (à peu près 10 milliards FCFA) du Programme Seuil du Niger. Ce Programme met l’accent sur la scolarisation de la jeune fille, la maîtrise de la corruption, la simplification des procédures de création d’entreprise, les procédures d’accès à la terre. Quelque 1 000 jeunes en cours de formations professionalisantes, des appuis financiers, matériels et infrastructurels à 51 communes…ont été ainsi concernés. Les USA ont aussi pris des mesures interdisant l’octroi du visa aux officiels et tous ceux qui ont contribué à l’avènement de la 6è République, et la vente d’armes au Niger.
Le leader de l’opposition, Mahamadou Issoufou, estime à 1 000 milliards FCFA, le montant global des ressources qui seront affectées par les sanctions internationales.

C’est évident, Tandja, qui croit que le chef d’un Etat moderne peut se comporter comme un chef traditionnel (avec un pouvoir à vie), a fait le choix de la confrontation avec les opposants et la communauté internationale. Il fait mine d’ignorer les sanctions internationales, l’isolement diplomatique de son pays mais aussi les luttes de ses opposants qui ont décidé de renouer avec la rue pour le faire fléchir. Les jours à venir risquent d’être ardents. Tandja et les idéologues de son régime pensent certainement qu’avec les ressources internes, il est possible de faire face aux charges de fonctionnement de l’Etat et d’investissements. ce qui semble chimérique quand on sait que les financements des grandes infrastructures comme les routes, les adductions en eau potable, la lutte contre les endémies, le développement de l’agriculture…sont assurés par l’extérieur.

Pour avoir de l’argent, Tandja a annoncé la remise des fonctionnaires au travail, le sacrifice (alors que lui-même n’a pas consenti de sacrifices) et la lutte contre la corruption. Personne n’est en mesure de quantifier les retombées de ces actions d’Hercule qu’il compterait mener. Les Nigériens ont-ils demandé le démantèlement de la Constitution et la crise qu’il a induit pour leur demander de serrer la ceinture ? N’est-il pas mieux indiqué de revenir à un ordre constitutionnel normal, pour éviter les sanctions et donc les sacrifices qu’on, demande aux citoyens qui tirent déjà le diable par la queue ?

Les Nigériens craignent le pire, le ralentissement des activités économiques, pour le secteur privé, la rareté des salaires pour les fonctionnaires, l’inflation pour le plus grand nombre. C’est la politique du pire !

Oumarou Keïta - 22/01/10 • Dans Le Républicain

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