28/05/2010

Nord Niger : Les revers d’une paix bâclée

La région d’Agadez jadis véritable havre de paix, de quiétude et d’hospitalité est en passe de devenir le far west saharien. Un calvaire que vit dans sa chair la population du Nord Niger.
Les vols à main armée, les exécutions sommaires, les crimes crapuleux, les attaques sur les routes et autres braquages sont devenus monnaie courante et même presque banalisée.
Ce changement brutal de mentalité vécu comme une révolution malheureuse vient sonner le glas d’une certaine pudeur appelée : Ashak.
Comment en sommes nous arrivés là ? Chronique d’une descente en enfer devenue inexorable.

En février 2007, l’attaque du poste administratif d’Iferouane par un groupe armé se revendiquant d’une organisation insurrectionnelle réveillait les vieux démons d’une rébellion bis. La population concernée, tétanisée par l’idée d’une nouvelle lutte armée dont elle garde des souvenirs fort douloureux, plaide pour la paix et l’extinction de cette étincelle.
En vain et c’est la mort dans l’âme qu’elle a vu, impuissante et désolée le pouvoir en place s’engouffrer dans une logique d’affrontement. Il s’en est suivi les violences, la détresse et la désolation que l’on connaît.

En Avril 2009, l’intervention du guide de la révolution libyenne annonce un changement de cap radical dans la politique nigérienne qui décide comme par enchantement de reconnaître les différents fronts et mouvements et de s’engager dans une logique de paix et réconciliation nationale. La paix est annoncée avec grand bruit et le peuple qui a tant enduré doit acclamer son bourreau d’hier devenu son sauveur d’aujourd’hui. Quelle amère et désolante frustration !
Pour mener cette opération combien salutaire, la Libye a paré au plus urgent en finançant les différentes étapes du retour des ex-combattants. Pour autant, l’action de la Libye, malgré sa noblesse, a créé par son caractère informel une situation de crise de confiance et même de conflit entre combattants et leaders des fronts.
Coté Niger en revanche, le processus de paix tant souhaité et tant soutenu par tous a été également mené sans protocole, de manière équivoque et totalement informelle. Les animateurs officiels ont pris soin d’éviter le moindre écrit fusse-t-il un compte-rendu de réunion. Aux fronts et mouvements, il a été fait la promesse d’un accord étudié et bénéfique pour tous, au pays on martèle que « les bandits ont répondu à l’appel du président » afin d’éviter la contradiction. Bref, un flou artistique symptomatique de la légèreté avec laquelle une question aussi grave a été traité par le pays.

Sur le terrain, l’absence totale de l’Etat dans le nord du pays a favorisé la multiplication des trafics en tout genre et l'établissement progressif d’une jungle où tout est permis. A cela s’ajoute une menace persistante de l’infiltration terroriste.

C’est dans ce contexte on ne peut plus préoccupant qu’est intervenu, le 18 Février dernier, un coup d’état militaire qui a renversé le régime de Mamadou Tandja. Le CSRD et le gouvernement chargés d’animer la transition ont annoncé leur volonté d’instaurer la paix et la sérénité au Niger. Malheureusement, alors que la période de transition se trouve largement entamée aucune démarche significative n’est entreprise pour mettre fin à la décadence infernale dont est victime la région d’Agadez. Pour l’heure, tout reste à croire, que la transition du CSRD va plus se focaliser sur le processus électoral que de gérer des situations malheureuses héritées du régime déchu de la 6ème République.
Il revient alors aux populations du nord de prendre leur responsabilité et lutter à la sauvegarde de leur espace de vie. Et pour cause, si à une époque récente, le fait de plaider pour la paix et la quiétude sociale était considéré comme une offense à la personne du président de la République, le discours officiel a aujourd’hui évolué et prône l’apaisement et le rétablissement de la quiétude sociale.
Par ailleurs, sur le plan économique, la situation est loin d’être reluisante. Les sécheresses de plus en plus chroniques mettent à mal une population rurale déjà appauvrie par des années de conflit. L’absence du tourisme et le retard dans l’implantation des sociétés minières, doublé du sentiment d’avoir été trahie, laisse une jeunesse déboussolée et vulnérable, encline à commettre des actes hautement avilissants. Qui pouvait imaginer qu’un fils du terroir, armé d’une kalachnikov, s’attaque au paysan de son village aux fins de lui prendre le fruit de sa maigre récolte ? Etrange et malheureuse évolution de la société.
De cette confusion généralisée, on retiendra que des milliers de combattants rompus au métier des armes se trouvent de nouveau révoltés par le sentiment d’avoir été sacrifiés. Ayant été contraints pour la majorité à rejoindre les rangs du MNJ par un régime qui voulait à tout prix d’une rébellion armée dans le nord, ils se trouvent prisonniers d’une paix verbale, sans aucune perspective d’avenir.
En tout état de cause, il ne faudrait pas faire l’amalgame entre les combattants proprement dit et l’insécurité résiduelle qui constitue aujourd’hui le véritable calvaire des populations, même si, par ailleurs, les deux phénomènes sont la conséquence du conflit. L’Etat doit venir en aide à la population qui en est victime et mener sans complaisance une opération musclée visant à restaurer son autorité et à éradiquer ce phénomène de banditisme de grand chemin, Ô combien nocif pour Agadez et ses habitants. Car pour l’heure, l’urgence n’est pas de situer les responsabilités mais de faire face à une réalité qui s’affirme et se réaffirme quotidiennement. Quant à la question globale de sécurité et de lutte contre le trafic et le terrorisme dans le grand Sahara, les acteurs locaux resteront incontournables voir indispensables. Espérons de voir au Niger l’avènement d’un régime qui saura comprendre cela et qui fera en sorte que ceux-ci soient largement impliqués dans la sécurisation d’une région qu’ils maîtrisent mieux que quiconque.

Issouf MAHA

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