Tout en construisant la première raffinerie du pays, la Chine a conseillé aux dirigeants nigériens de mieux négocier avant d’autoriser Areva à construire une nouvelle mine. L’exploitation de ce gisement situé à Imouraren (Nord-Ouest) hissera le Niger au rang de second producteur mondial d’uranium, derrière le Kazakhstan.
Parmi les causes du coup d’État qui a renversé Mamadou Tandja en février 2010, ont été mis en avant, de façon inédite en Afrique, les liens de l’ex-président avec la Chine. L’un de ses fils, Ousmane, qui occupait un poste de chargé d’affaires à l’ambassade du Niger à Pékin, était notamment réputé pour négocier, pour le compte de son père et moyennant quelques commissions, les contrats et permis de recherche minière (uranium et pétrole) avec les Chinois. « C’est parce qu’il avait l’argent chinois que Tandja a cru pouvoir mépriser l’Union européenne, la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, NDLR] et les États-Unis », raconte un ancien ministre.
Réexamen des contrats
Dès sa réélection en 2004, Mamadou Tandja avait voulu couper le cordon ombilical avec la France et, depuis 2007, avait octroyé 150 nouveaux permis de prospection d’uranium (minerai qui représente la moitié des revenus d’exportation du pays). Les tensions entre Niamey et le français Areva ont atteint leur paroxysme lorsque le groupe français fut accusé de financer la rébellion touarègue et que deux de ses cadres furent expulsés. Dans le même temps, le Niger achetait des armes pour combattre ces rebelles, en utilisant 38 millions des 45 millions d’euros du bonus obtenu grâce au contrat signé avec la Chine pour l’implantation d’une mine à Azelik (Nord).
C’est lors de la cérémonie de lancement de la construction de la raffinerie, en octobre 2008, que des partisans de Tandja lui ont suggéré de prolonger son mandat au-delà du terme, prévu en 2009. Et c’est ce qu’il fit, après avoir mis à mal les institutions de son pays pour rester au pouvoir.
Le président comptait sur la Chine, mais n’était visiblement pas au fait du principe de non-ingérence de cette dernière : Pékin est en effet resté silencieux lors de l’invasion du palais présidentiel, le 18 février 2010, par de jeunes officiers. Ces derniers n’ont pas remis en question les relations du Niger avec la Chine, mais ont annoncé qu’ils réexamineraient les contrats miniers.
À cette occasion, Areva a accepté d’augmenter de 50 % les versements prévus au gouvernement et, malgré une concurrence relancée, reste le premier partenaire du pays. Olivier Muller, le directeur du groupe au Niger, travaille à présent avec l’actuel chef de la junte, Salou Djibo, « un type sympa », avec qui « on parle affaires, pas politique », explique-t-il. De son côté, Xia Huang, l’ambassadeur de Chine au Niger, fait remarquer que son pays « offre des options plus rentables. Si le Niger exploite l’uranium depuis quarante ans et que cela ne lui rapporte pas plus d’argent que ses exportations d’oignons, c’est qu’il y a un problème », ironise-t-il.
Cependant, pour Ali Idrissa, coordinateur national du Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire (Rotab), une ONG de lutte contre la corruption, « les Chinois vont prendre nos richesses et partir ». L’industriel Ibrahim Iddi Ango, président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat du Niger (CCIAN), rappelle toutefois que, quand les Français ont répondu « impossible ! » à la demande des Nigériens de construire une raffinerie, les Chinois, eux, ont plutôt demandé « de quelle taille la voulez-vous ? »
Par Tom Burgis
Financial Times et Jeune Afrique 2010
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