La première édition d’Afrikabidon a eu lieu en 2007. Trois ans se sont écoulés depuis la nouvelle édition. Qu’est-ce qui explique ce laps de temps ?
Durant la saison d’hiver 2007 2008 un ensemble d’incidents ont mis en difficulté l’entreprise Point Afrique. Obligation d’arrêt du Niger pour des questions de reprise de la rébellion touarègue, l’incident des 4 français tués en Mauritanie qui va entraîner une réduction de 80% de l’activité sur cet axe et provoquer aussi sur les pays voisins une diminution de 30 M sur l’activité. Au 1er avril 2008 la perte d’exploitation de Point Afrique sur les 6 derniers mois atteint 1 millions 200 000 €. Devant cette situation économique quelque peu difficile, un Festival du type Afrikabidon qui avait couté 650 000 € en 2007, ne pouvait être reconduit. L’entreprise a aussi du licencier près de la moitié de son personnel. ..
Faire la fête dans cet environnement social n’était pas envisageable !
Y a t-il des invités que vous êtes particulièrement fiers d’accueillir cette année ?
Tous nos invités ! Occidentaux ou africains ont été soigneusement sélectionnés en vue de respecter l’éthique qui nous anime. Je parlerais plutôt des invités qui ne seront pas là cet été et qui se comptent par plusieurs dizaines… leurs visas ayant été refusés. Ce ne sont pas des artistes de grand renom mais des artisans forgerons, bijoutiers, … une des raisons du refus : ils ne parlent pas suffisamment bien le français et surtout ne savent pas l’écrire. Nous ne voulons pas développer dans la polémique mais nous sommes peinés car cela va totalement dans le renforcement de l’idée de ces populations comme quoi la France ne veut plus d’eux. Seules les ressources énergétiques ou ceux qui peuvent en influencer les contrats obtiennent les visas sans problème…
Que représente Afrikabidon pour le militant que vous êtes ?
Une rare occasion de parler d’une Afrique avec ses réalités du quotidien, ses perspectives d’avenir. Rendre l’Afrique un peu plus transparente, accessible et permettre à ces populations de s’exprimer.
Comment arrivez-vous à concilier votre approche militante et la gestion de Point-Afrique ?
C’est très simple : le concept de Point Afrique place en avant l’idée qui a une finalité et l’entreprise n’est en fait que l’outil qui permet de le réaliser. C’est donc avant tout une question de conceptualisation qui est totalement différente de celle que les entreprises conventionnelles peuvent avoir.
Point Afrique a ouvert son campement africain à Bidon en Ardèche « Le Tamana » il y a maintenant un an. Quel bilan tirez-vous de cette première année d’activité ?
L’expérience du Tamana est plus que satisfaisante. Elle permet à des Africains de travailler un peu en France dans un concept de co- responsabilité, de permettre un échange entre les touristes français et leurs hébergeurs africains. Nous ne sommes en fait qu’un élément de catalyse favorisant des actions qui tout en étant ludiques, se veulent aussi enrichissantes sur le plan de l’échange culturel. Là encore, la finalité de ce campement n’est pas « un campement » mais un lieu d’échange et de rencontres dans lequel on peut camper en même temps.
Quelle est la priorité de Point Afrique : organiser des voyages ? Affréter des avions ?
Ni l’un ni l’autre. C’est désenclaver des régions déshéritées en prenant le risque économique de créer des liaisons aériennes et de permettre par l’organisation de circuits pour permettre à ces populations d’avoir un revenu et de pouvoir choisir de ce fait là, de répondre à leurs priorités (éducation, enfants,…) et surtout de pouvoir leur permettre de rester vivre sur leurs terres natales et d’éviter ainsi qu’ils rejoignent soit les bidonvilles des capitales soit de s’inscrire sur les routes de l’immigration clandestine. Un tourisme qui est imaginé à partir de la rencontre ne peut entraîner une notion unique et unilatérale d’un rapport client – consommateur mais une quête permanente d’un échange économique reposant sur la dignité.
On connaît la fragilité politique et économique des zones sahariennes et sahéliennes où a décidé d’être présent Point Afrique. Comment voyez-vous la prochaine saison touristique hivernale ? Quelles solutions voyez-vous pour endiguer les problèmes de sécurité récurrents à proximité des zones frontières ?
Vous touchez certainement là le point le plus sensible et le plus préoccupant. Le phénomène du terrorisme « religieux » trouve ses racines dans la pauvreté et l’absence d’identité qui en résulte. Une développement haine contre l’occident se développe et permet d’instrumentaliser une certaine lecture de la religion. L’existence du fanatisme islamiste est une réalité que l’on peut encore combattre à condition de prendre en compte les populations locales. Si ces dernières basculent et sympathisent avec des « manipulateurs » d’une jeunesse désœuvrée il ne sera plus possible de visiter ces régions. Nous sommes aujourd’hui sur une ligne de crête et notre conviction est que si l’activité touristique engendrée ces dernières années par le tourisme vient à disparaître, nous ne remettrons plus les pieds dans ces régions et l’acharnement militaire qui peut être déployé, ne résoudra en rien une évolution inéluctable, une poussée islamiste haineuse et anti occidentale.
Alors oui, nous voyons la prochaine saison touristique avec beaucoup d’inquiétude.
L’hiver dernier après consultation des autorités mauritaniennes un vrai travail de sécurisation reposant sur une complicité entre les divers acteurs (autorités nationales, populations locales et acteurs du tourisme) ont permis de créer une dynamique nouvelle aujourd’hui reconnue par les plus hautes instances du pays. Des formations des guides, des chameliers en ont fait de véritables auxiliaires à la sécurisation, sensibilisation des zones géographiques visitées et de leurs habitants. Ce fut un travail long (plusieurs mois) avec la participation active et permanente du Tour Opérateur Point Afrique qui en a financé une grande partie. Les résultats sont probants et nous pensons étendre sur trois autres zones ces mêmes méthodes et procédures, sur la région d’Agadez et région de Gao. Pour nous la situation n’est pas irréversible au stade actuel des choses, mais l’inquiétude provient du désespoir que notre abandon va générer.
Si le risque zéro n’existe nul part sur la planète, la disparition des rencontres et échanges favorisés par ces liaisons aériennes s’avère devenir une réalité, il est certain que les foyers d’entraînements et de recrutement disposeront d’un environnement « très nutritif » et nous en payerons les conséquences… demain.
Nous n’avons pas la prétention d’être le seul remède à cette gangrène mais nous pouvons faire partie d’une posologie qui pourra redonner confiance en l’avenir.
Aucune intervention militaire extérieure n’aura gain de cause. Il est de toutes façons certain que seules les populations locales peuvent empêcher les stratégies d’Al Quaïda….
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