Sous le rude soleil, il n'y a guère que les chèvres pour mener leur train habituel, dans les ruelles ocres comme le banco (argile et herbes sèches) dont sont faits murs et façades. Le rapt le 16 septembre dans la cité minière d'Arlit (240 km au nord) de cinq Français et de deux Africains --un Togolais et un Malgache-- par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) est dans tous les esprits.
A Agadez (1.000 km au nord-est de Niamey), "on parle de ça dans toutes les +fada+ (conversations, ndlr)", raconte à l'AFP Abdelaziz Afilo, qui travaille à la "librairie de l'Aïr", du nom du proche massif montagneux d'où seraient venus les ravisseurs.
"La menace restait lointaine jusque-là, les habitants n'y croyaient pas trop. Maintenant, les gens d'Aqmi sont là", explique Raliou Hamed Assaleh, responsable de la radio locale Radio Sahara.
Le gouvernorat d'Agadez est le coeur de cette cité de quelque 100.000 âmes aux portes du désert. On y règle les détails des convois - de voyageurs ou de matériel - vers les localités voisines ou très éloignées. Chaque convoi comprend des véhicules de l'armée ou de la gendarmerie, équipés d'armes lourdes.
Officiellement, ces dispositions sont héritées de l'époque de la dernière rébellion touareg (2007-2009) et maintenues pour parer aux attaques de "bandits armés", souvent d'ex-rebelles en rupture de ban. Mais ces derniers oeuvrent parfois pour le compte d'Aqmi.
Aussitôt après les enlèvements, le gouvernement a annoncé des mesures de sécurité "renforcées", en particulier dans la zone d'Agadez.
Jour et nuit, des patrouilles circulent dans la ville et les rares Occidentaux doivent se faire enregistrer à leur arrivée.
"C'est normal d'avoir peur, ça nous concerne tous", souligne Hadiza, après avoir servi du mouton à des clients dans la chaleur de son petit restaurant. La jeune femme ne sort d'Agadez qu'à l'heure des convois.
Au-delà de l'insécurité, l'avenir économique de la capitale régionale est au centre des inquiétudes.
Le groupe nucléaire français Areva et ses sous-traitants employaient à Arlit de nombreux habitants d'Agadez. Avec l'activité qui "tourne au ralenti" depuis la semaine dernière, ils se trouvent menacés de chômage, s'alarme un responsable du gouvernorat.
Quant aux visiteurs, ils ont plus de raisons que jamais d'éviter la destination.
A l'accueil de l'hôtel de la Paix, Moussa ressasse sa déception: une organisation internationale qui comptait y loger pendant plusieurs jours des collaborateurs, a finalement renoncé à leur venue "par mesure de sécurité", dit-il.
Pour les acteurs du tourisme ou de l'artisanat, c'est un crève-coeur. Symbole de ce coup du sort, la compagnie française Point Afrique a décidé de ne plus desservir une région devenue trop dangereuse.
Après le désarmement des rebelles en octobre 2009, il y avait "un début de reprise", mais à présent c'est le "découragement total", confie un Touareg. Turban gris et boubou rose, il prend le thé devant son agence de voyages qui, comme les autres de la ville, garde portes closes.
"On est musulmans depuis longtemps ici", insiste-t-il, le bras tendu vers la très ancienne mosquée, un des trésors de banco de la ville.
"Mais on ne comprend rien à ces musulmans-là ! Les gens d'Aqmi bloquent toute la région", accuse cet homme. Il ne se laissera identifier que par ses initiales "E.K.": "on a peur d'eux", justifie-t-il.
Copyright © 2010 AFP
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