Les manœuvres politico-militaires qui prennent de l’ampleur dans l’espace sahélo-saharien annoncent-elles une réorganisation du paysage géopolitique de la sous-région ? Cette question… et des réponses commencent à transparaître dans certaines analyses de la situation qui prévaut dans cet espace.
Ainsi, il est de plus en plus question ces derniers mois du rôle que jouent ou que joueraient des communautés touarègues dans une nouvelle approche des problèmes de la région sahélo-saharienne. Mais les réponses sécuritaires qui occupent le devant de l’actualité peuvent-elles être traitées sérieusement sans que soient prises en compte les dimensions politiques de la vie des populations locales ? En effet, l’une des conséquences de la détérioration du climat sécuritaire risque d’être une nouvelle fois l’aggravation de la détresse de ces populations qui souffrent déjà de la famine et d’une marginalisation politique et économique endémique.
Pour que le rôle que joueraient des communautés touarègues puisse répondre aux exigences du contexte géopolitique, il faudrait qu’il corresponde aux aspirations maintes fois exprimées par des organisations touarègues et qu’il tienne compte des droits et intérêts des populations locales de manière plus globale. Les Touaregs auraient tort de se laisser « embarquer » dans une quelconque aventure qui ne contribuerait pas à assurer leur propre sécurité et à la résolution définitive du conflit qui les oppose aux Etats malien et nigérien. L’objectif étant l’amélioration des conditions de vie des populations et la survie de leur identité.
Même s’il existe aujourd’hui une conviction largement partagée que la sécurité de la sous-région passe par un règlement définitif de ce conflit, aucune initiative concrète n’a été avancée pour amorcer cette évolution.
Le Mali et le Niger n’ont ni les moyens militaires ni la capacité administrative de contrôler les territoires en question, ce qui incite aujourd’hui les puissances régionales et internationales à prendre directement en charge les questions de sécurité, et peut-être demain aussi la réorganisation administrative et politique… Les enjeux étant ce qu’ils sont, ni l’Algérie, ni la France, ni la Libye, ni les Etats-Unis ne peuvent en effet se permettre de laisser se développer une situation d’anarchie qui se révélerait très difficile à gérer par la suite. Même s’il est vrai que ce genre de situation favorise ô combien la stratégie de certains gouvernants dont les intentions réelles ne cadrent pas forcément avec leurs discours officiels, discours dictés le plus souvent uniquement par des considérations très conjoncturelles.
Compte tenu de la méfiance qui prévaut aujourd’hui entre ces Etats (Mali et Niger) et leurs communautés touarègues, il est illusoire pour chacun de ces pays de vouloir construire une stratégie sécuritaire sans accepter des avancées significatives sur le terrain politique. En effet, la mauvaise gestion des conflits et l’indifférence de la communauté internationale ont contribué très largement à créer le chaos qui se dessine aujourd’hui.
Les populations de ces régions souffrent des séquelles des massacres encore impunis des années 90. Plusieurs milliers de civils touaregs et maures ont ainsi été tués en toute impunité. Les Touaregs n’ignorent plus que ces crimes n’ont pas soulevé la moindre réprobation de la part de la communauté internationale.
Il est donc à craindre, hélas, que certaines populations de cette zone se sentent bien plus en sécurité en présence d’éléments d’Aqmi que de militaires maliens ou nigériens !!! Ce qui en dit fort long sur le décalage qui existe entre les discours ambiants et la réalité sur le terrain.
Les Touaregs ont vu par le passé que leur sécurité pouvait être menacée à l’intérieur de leurs propres Etats et constaté qu’ils ne devaient désormais compter que sur leur capacité à être des acteurs crédibles parce que totalement conscients du rôle stratégique qu’ils pouvaient jouer dans la recomposition des forces en présence à l’intérieur de la sous-région. C’est seulement à cette condition que les Touaregs éviteront de faire les frais de conflits dont les enjeux ne les concernent pas particulièrement.
La complexité de la situation actuelle devrait inciter le Mouvement touareg à ne pas perdre de vue ses objectifs et à redoubler de vigilance afin de ne pas s’éloigner de la voie qui peut l’amener vers une prise en compte de ses aspirations. Le Mali et le Niger doivent accepter enfin de créer les conditions politiques d’un règlement définitif du conflit qui les oppose à leurs communautés touarègues. Cela leur permettrait de consolider la cohésion de leurs Etats et leur donnerait les moyens de contribuer à assurer leur propre sécurité.
Abdoulahi ATTAYOUB
aabdoulahi@hotmail.com
Temoust Lyon (France)
18 09 2010
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