11/01/2011

Les deux otages français sacrifiés pour sauver Areva et Sarkozy

Deux jeunes français ont été enlevés au Niger le 7 janvier, vraisemblablement par AQMI (Al Qaeda au Maghreb islamique). Poursuivis par les militaires français, jamais très loins lorsqu'il se passe quelque chose en Afrique, les kidnappeurs n'ont pas hésité à exécuter leurs otages.

C'est évidement un acte lâche et répugnant. Pour autant, malgré une quasi unanimité de la classe politique pour décréter l' "union nationale" et pour justifier l'intervention militaire, il est bien légitime de se poser quelques questions.

Notons d'abord que, après l'enlèvement de plusieurs de ses salariés au Niger fin 2010, la multinationale nucléaire Areva était logiquement inquiète pour ses activités d'extraction d'uranium : comment continuer à exploiter (c'est bien le mot) le Niger si ses cadres français sont enlevés ? L'affaire est d'autant plus importante que les centrales nucléaires françaises fonctionnent exclusivement avec de l'uranium importé, et en particulier du Niger (cf La Décroissance n°74).

Dans le même temps, M Sarkozy est lui-même en grande difficulté politique : déjà en déroute idéologique sur le plan économique (le subterfuge du "travailler plus pour gagner plus" s'est effondré), il sait qu'il ne sera pas réélu à la Présidence de la République s'il connaît la même déconvenue sur son autre terrain de prédilection : la lutte contre les "ennemis", réels (comme Al Qaeda) ou supposés (Gitans, pauvres, groupe de Tarnac, etc.)

Or, depuis des mois, la force et l'efficacité supposées du sarkozysme s'évanouissaient au fur et à mesure qu'augmentait le nombre des français retenus en otages. Il a donc été décidé en haut lieu d'agir militairement immédiatement dès le prochain enlèvement. C'est ainsi que, le 7 janvier, Antoine de Léocour et Vincent Delory ont vraisemblablement servi de cobayes à la nouvelle stratégie du pouvoir français.

Nous l'avons dit, les premiers coupables sont les assassins d'AQMI, c'est évident. Pour autant, les appels à l' "unité nationale" derrière M. Sarkozy et sa politique "anti-terroriste" sont insupportables. Oui, il faut dire que cette intervention militaire avait les plus fortes probabilités d'aboutir à l'exécution des deux otages français, ce qui a hélas été le cas.

Le 9 janvier, sur TF1, le ministre de la défense, M. Juppé, a déclaré "Ne rien faire, c'était prendre un double risque. D'abord le risque de voir nos otages emmenés par les ravisseurs dans l'une de leurs bases refuges au Sahel, et l'on sait ensuite comment ils sont traités. Ensuite un deuxième risque, plus global : ne rien faire c'est donner le signal que la France ne se bat plus contre le terrorisme."

D'abord, on peut raisonnablement penser que Vincent Delory et Antoine de Léocour auraient préféré être détenus quelque part au Sahel, même en étant "mal traités", plutôt qu'être exécutés. Et ce d'autant plus que, n'étant ni des expatriés ni des membres d'une multinationale néocoloniale comme Areva, il existait peut-être pour eux la possibilité d'une libération par Al Qaeda (*).

Par ailleurs, la fin de la déclaration de M Juppé est explicite : l'opération militaire obéissait bien à des motifs politiques. Les deux otages ont eu le malheur d'être enlevés après les deux journalistes de France 2, après Michel Germaneau, et après les 5 salariés d'Areva : c'est le moment où le pouvoir français avait décidé d'agir militairement. S'ils avaient été enlevés avant les salariés d'Areva, Vincent Delory et Antoine de Léocour seraient sûrement encore en vie.

Pour finir, il convient de rappeler combien les terroristes sont les plus sûr alliés de ceux qui se vantent de les combattre. En chute libre jusqu'au 10 septembre 2001, Georges W Bush était au plus haut dès le l2, et a été réélu par la suite. Il doit tant à Ben Laden…

Et en France, après avoir échoué à faire croire à la population qu'elle était menacée par quelques libertaires vivant dans une ferme (le "groupe de Tarnac") puis par les Gitans, Roms et autres "Gens du voyage", M. Sarkozy a trouvé les parfaits faire-valoir.

Oui, l'action d'Al Qaeda est insupportable. Mais non, la récupération politicienne pour protéger l'industrie nucléaire française et l'avenir politique de M Sarkozy n'est pas acceptable. Qu'il nous soit accordé le droit (pour combien de temps encore ?) de dénoncer l'une et de critiquer l'autre.

Stéphane Lhomme

(*) Pas par générosité, bien entendu : les terroristes en sont bien incapables. Mais les deux otages auraient pu être instrumentalisés (ils auraient sûrement préféré ça à être exécutés) sous l'angle "Nous libérons ces français non colonialistes qui ne doivent pas payer pour la politique du pouvoir français et de sa multinationale Areva". Une telle propagande n'aurait rien enlevé au caractère insupportable des actes d'Al Qaeda, mais cette libération aurait été bonne à prendre. Il ne s'agit certes là que d'une hypothèse mais les otages et leurs familles auraient sûrement aimé pouvoir tenter de jouer cette carte que l'action militaire décidée en haut lieu a anéantie…

Publié par Observatoire du nucléaire

3 commentaires:

  1. Antoine, Vincent et les autres …
    J’aimerai …
    M’acheter les ravisseurs de mon identité
    Mais je n’ai pas assez d’argent
    M’acheter un otage français
    Mais je n’ai pas assez d’argent
    Et puis… et puis… il est mort.

    http://www.tueursnet.com/2011/01/antoine-vincent-et-les-autres/

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  2. AQMI??? y a-t'il réellement au Sahel des forces vives de Al Qaïda installées, suffisamment organisées? N'y a-t'il pas derrière cet AQMI des intérêts de puissances occidentales?

    On ne peut s'empêcher de se poser la question de l'impact des très prochaines élections au Niger. Et si les Nigériens allaient choisir massivement des élus désirant réellement défendre les intérêts du pays et de la population qu'adviendraient-il des intérêts d'AREVA donc de la France? N'était-ce pas une sacrée opportunité (provoquée????) pour installer à nouveau un climat d'insécurité et créeér des conditions favorables à une ingérence armée française accrue.
    Linote

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  3. Areva tue au niger et pas des français dans l'indifférence générale

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