01/06/2011

LIBYE-NIGER: « C’est la Lybie qu’on bombarde, mais c’est le Niger qu’on tue »

AGADEZ, 23 mai 2011 (IRIN) - Des migrants qui sont retournés au Niger pour fuir le conflit en Libye ont dit devoir mendier, voler ou vendre ce qui leur reste de terres ou d’animaux pour survivre. Ils ne veulent pas imposer un fardeau supplémentaire à leurs familles déjà pauvres qui, pour la plupart, sont confrontées à l’insécurité alimentaire.

Quelque 66 200 Nigériens ont quitté la Libye pour retourner au Niger depuis la fin février. Selon l’Organisation Internationale pour les migrations (OIM), la plupart d’entre eux sont arrivés à Dirkou, une ville située dans le nord-est du pays, d’où ils ont ensuite trouvé le moyen de se rendre dans les villes et villages de l’ensemble du pays. En Libye, la majorité d’entre eux travaillaient dans le domaine agricole et gagnaient jusqu’à 216 dollars (100 000 francs CFA) par mois.

Mohamed Lamine, l’un des retournés, a dit à IRIN : « C'est avec un grand regret que j'ai quitté la Libye. Je ne peux pas supporter d'être nourri matin et soir par mes vieux parents. Je retournerai à la première occasion ».

Selon une évaluation réalisée dans deux départements de la province de Zinder, dans le centre-sud du pays, par le gouvernement, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) et l’organisation non gouvernementale (ONG) Care International, la plupart des retournés sont au chômage et ils sont nombreux à s’être endettés pour payer les frais administratifs élevés exigés pour l’entrée au pays et les coûts de transport excessifs pour le trajet depuis la Libye – un voyage d’environ trois semaines à travers le désert.

« Nous sommes des milliers de jeunes à avoir quitté [la Libye] pour retomber dans le chômage au Niger. Nous n’avons d’autre issue que de faire le mendiant ou le voyou », a dit à IRIN Abdelkadre Moussa, un retourné natif d’Agadez, dans le centre du pays. « C’est la Libye qu’on bombarde, mais c’est le Niger qu’on tue ».

Selon l’évaluation, la plupart des migrants sont originaires du sud du pays, et notamment des régions de Tahoua, Zinder, Tillabéry et Maradi, qui ont toutes été confrontées à l’insécurité alimentaire à la suite de la sécheresse qui a considérablement diminué les récoltes en 2009 et 2010.

Déjà en situation d’insécurité alimentaire

Selon l’évaluation du mois d’avril, près de la moitié des villages du département de Tanout, dans la province de Zinder, où 15 000 retournés se sont réinstallés, sont considérés comme vulnérables. Cela signifie que les villageois ont déjà perdu un nombre significatif de têtes de bétail ; qu’ils sont confrontés à des pénuries d’eau ; qu’ils ont souffert de déficits agricoles en 2009 et 2010 ; et qu’ils ont de la difficulté à se procurer de la nourriture à cause des prix élevés des denrées alimentaires.

« Le retour de ces migrants risque d’accroître la vulnérabilité de ces communautés », a dit à IRIN Mamoudou Daouda, représentant de l’OIM à Dirkou. « Dans certains cas, l’économie du village entier reposait sur ces transferts de fonds...La situation risque de devenir intenable ».

L’OIM aide les migrants à retourner dans leur village.

D’après M. Daouda, les stocks de céréales sont trop bas pour combler les besoins de l’ensemble des retournés. Les régions de Gouré et de Tanout ont connu six saisons consécutives de déficits agricoles.

De nombreuses familles vendent les rares animaux qu’il leur reste afin d’aider les nouveaux arrivants.

Ahmed Hamaditane, père d’un migrant revenu récemment à Agadez, a dit à IRIN : « Nous n’avons plus rien à manger. Nous avons décidé de vendre une parcelle de terre, mais il n’y a pas d’acquéreur pour le moment ».

« Mon fils est revenu les mains vides et malade », a-t-il ajouté.

Diminution considérable des transferts de fonds

Grâce aux travailleurs migrants, le département de Gouré recevait jusqu’à 217 000 dollars (soit 100 millions de francs CFA) par semaine. Mais ces fonds se tarissent. Alhadji Amarma, qui aidait auparavant les travailleurs à transférer leur argent à leur famille à Agadez, a dit à IRIN qu’il n’avait désormais que peu ou pas de travail.

La plupart des hommes avec qui IRIN s’est entretenu à Agadez ont dit qu’ils envoyaient auparavant entre 108 et 216 dollars par mois à leur famille.

Adamou Habi, membre du comité de gestion des réfugiés de la Libye et représentant du gouverneur d’Agadez, a dit à IRIN : « L’heure est grave, très grave ! Nous sommes débordés par le flux de ces gens ! On fait de notre mieux avec l’aide de quelques rares personnes qui aident les gens à rentrer chez eux, mais je ne pense pas qu’on puisse tenir bien longtemps ».

« On a vraiment besoin d’aide », a-t-il ajouté.

La semaine dernière, le gouvernement a appelé les bailleurs de fonds internationaux à apporter leur soutien aux retournés et à leur famille.

Le gouvernement, les organisations d’aide humanitaire et les bailleurs de fonds doivent répondre à l’appel avant la mi-juin, qui est traditionnellement le début de la période de soudure au Niger, ont souligné les responsables du gouvernement.

Le flot de retournés a récemment diminué, a dit M. Daouda. Cinq cents personnes traversent maintenant chaque jour la frontière du Niger, contre 1 200 à la mi-avril. Les femmes et les enfants sont cependant plus nombreux, ce qui indique que les travailleurs emmènent leur famille avec eux.

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