

Ousmane Ag Mossa, chanteur-guitariste compositeur de Tamikrest, part pour l’Europe afin d’assurer la promo du premier album du groupe, Adagh, édité par un label allemand. Ousmane est un Tamasheq, un Touareg comme disent les Arabes, un “homme bleu” comme disent les Français, en référence à la moire indigo du turban qui déteindrait sur la peau des seigneurs du désert. Tant pis pour le cliché : Ousmane ne porte pas le chèche, ne se déplace pas à dos de chameau et n’est pas bleu. On n’est pas dans Avatar. Quoique.

Les Touaregs, nomades en guerre
Le conflit entre les Touaregs et le pouvoir central remonte à la décolonisation. Entre 1960 et 1963, les Français quittent le Sahara. Le territoire est découpé selon les nouvelles frontières des pays mitoyens : Mali, Algérie, Libye, Niger, Mauritanie. Sur la carte, des lignes droites. Le gars qui a dessiné les frontières était sans doute un bon géomètre mais un piètre géopoliticien, peu soucieux de la réalité du terrain, du mode de vie nomade des Touaregs.
Habituées depuis toujours à la libre circulation, les tribus se retrouvent séparées, marginalisées, soumises à l’autorité d’administrations qui ne les représentent pas et ne les aiment pas non plus. De vieilles histoires de rivalités ethniques qui remontent à l’époque des razzias, quand les Touaregs, guerriers du désert, prenaient des esclaves parmi les populations noires.
Au moment de l’indépendance, les élites noires s’installent au pouvoir et désignent les Touaregs comme des Blancs : règlements de comptes historiques. La vie des Touaregs n’a jamais été un long oued tranquille. A la fin du XIXe siècle, les guerriers nomades parviennent à repousser les expéditions coloniales. Résistants puis soumis, bientôt vaincus par la supériorité militaire des colons, les Touaregs s’accommodent de la présence française dans le Sahara.En 1963, peu après l’indépendance malienne, une insurrection touarègue éclate dans la région de l’Adagh, là où a grandi Ousmane Ag Mossa. La répression est sanglante : accusée de soutenir les rebelles, la population civile se fait massacrer. Parmi les victimes, un homme nommé Alhabib Ag Sidi. Son fils de 4 ans, Ibrahim, prend le chemin de l’exode avec sa famille. Bien plus tard, Ibrahim prendra les armes, puis une guitare électrique pour fonder Tinariwen, le groupe qui a lancé le rock touareg.
Dans les années 1970, les Touaregs sont de plus en plus désorganisés, marginalisés, frappés par de nouvelles sécheresses. Beaucoup se sédentarisent, exilés économiques en Algérie ou en Libye, où le colonel Kadhafi leur offre l’asile en échange d’une formation militaire – marché de dupes, les enrégimentés serviront surtout de chair à canon dans la Légion islamiste, pour défendre des causes qui ne sont pas les leurs.
En 1990, au Niger et au Mali, la résistance armée reprend. Le 29 juin, un groupe de rebelles attaque la gendarmerie et la prison de Menaka dans le nord du Mali. Pour l’armée malienne, c’est l’ouverture de la chasse aux Touaregs dans les montagnes de l’Adagh. Les civils et le bétail sont massacrés. Ousmane se souvient : “On a dû quitter le village. Les rebelles se cachaient dans la montagne mais pour l’armée malienne, tous les Touaregs étaient des Peaux-Rouges, des rebelles. On est restés un an à la frontière algérienne, dans les montagnes, on se déplaçait quand l’armée arrivait. C’était la misère, on avait abandonné le travail, les jardins. Ce sont mes premiers souvenirs, des mauvais souvenirs restés gravés dans ma tête.”

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