18/04/2012

Nina Wallet Intalou, la pasionaria indépendantiste des #Touareg #Mali #Sahara

par Isabelle Mandraud
(Nouakchott, envoyée spéciale)

Le salon de Nina Wallet Intalou, dans le quartier Las Palmas Extension de Nouakchott, accueille toutes sortes de visiteurs: un jeune colonel du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) en convalescence, des partisans, des journalistes, une chercheuse française et des diplomates, avides d'informations. A votre tour, ce lundi 16 avril, passé la cour de la maison où flotte, à l'abri des regards, le drapeau de l'Azawad (un triangle jaune et trois bandes vert, rouge et noir), elle vous entraîne à part en tapotant sur un sofa: "Nous voulons notre indépendance, ou une fédération avec un référendum dans cinq ou dix ans, pas l'autonomie. Ce serait revenir en arrière, et nous sommes fatigués."

Trois mois après le début de la rébellion touareg qui a abouti à la partition du Mali et à la proclamation de l'indépendance du nord du pays, l'Azawad - reconnue par aucun Etat -, les négociations ont officiellement débuté, le 15 avril, entre le mouvement indépendantiste et les autorités de Bamako.

Des pourparlers d'autant plus délicats que les djihadistes d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et leurs alliés ont profité de l'insurrection touareg pour s'imposer sur le terrain, en prenant le contrôle des principales villes du Nord, Tombouctou, Gao et Kidal. Mais après une première rencontre avec les responsables du MNLA, tard dans la soirée, Tiébilé Dramé, l'émissaire du nouveau président malien par intérim Dioncounda Traoré, en a tiré une conclusion: "Nina, c'est l'homme fort du groupe."

"AQMI COMBAT NOTRE CULTURE"

Membre du bureau exécutif du MNLA, dont la plupart des membres se sont exilés dans la capitale mauritanienne, Nina Wallet Intalou, 49 ans, est l'une des principales figures du mouvement. La seule femme, aussi. Incontournable. Drapée dans une malafa noire brillante, la robe voile traditionnelle au Sahara, une cigarette à la main, son sourire masque l'inquiétude d'un échec: "AQMI est en train d'occuper notre territoire, même les hommes ne peuvent plus fumer." "Ils combattent notre culture et donc notre identité, poursuit-elle, et le Mali n'a jamais rien fait contre eux. Ils veulent nous effacer, avec la complicité de l'Algérie."

Fille d'un infirmier-major de la gendarmerie réputé, issue de la puissante tribu des Idnane, cette militante élevée entre Kidal, sa ville d'origine, Gao et Mopti, part dès 1984 en Côte d'Ivoire avec pour mission de sensibiliser à la cause touareg les frères africains. Elle y épouse un riche homme d'affaires, dont elle aura trois enfants, reprend ses études et, une licence en droit public en poche, fonde, à 26 ans, sa société de construction, avec 250 salariés, qui lui assure le monopole de nettoyage des cabines téléphoniques d'Abidjan.

Divorcée, elle revient au nord du Mali. Mais, bien qu'élue maire de Kidal en 1997, Nina Wallet Intalou n'a jamais pu exercer ses fonctions. "Les islamistes, qui commençaient à s'installer dans la région, ne voulaient pas d'une femme. A l'époque, ils venaient surtout du Pakistan et créaient les prémices des katiba [unités combattantes]; les Algériens ne sont arrivés qu'en 2003, explique-t-elle. J'ai attendu huit mois. Tous les cadis et marabouts traditionnels avaient tranché en ma faveur. Mais finalement, c'est un homme qui a été nommé à ma place." En guise de consolation, Alpha Oumar Kondaré, alors président du Mali, lui offre un poste de conseiller territorial.

"UNE GRANDE HAINE CONTRE KADAFHI"

On prête à la gracieuse et ambitieuse Nina, divorcée une deuxième fois et distinguée par un prix d'excellence américain, des amants célèbres, de Félix Houphouët-Boigny, son beau-frère, à Mouammar Kadhafi, alors qu'elle prend plusieurs fois la route de Tripoli à partir de 1998, pour rencontrer les Touareg maliens au service de l'ancien Guide libyen. "Ah ça, je n'ai jamais été sa maîtresse !, s'offusque-t-elle. J'avais une grande haine contre cet homme quand je voyais comment il utilisait les Touareg pour combattre au Tchad ou ailleurs. Kadhafi les trompait en leur disant qu'ils faisaient partie de l'armée libyenne, mais en réalité, ils étaient maltraités."

Proche du chef militaire du MNLA, Mohamed ag Najim, elle voue une haine toute aussi tenace au Touareg malien Iyad ag Ghali, devenu chef du groupe islamiste radical Ansar Eddine, allié à AQMI. "En 1990, [lors de la première révolte touareg], il était notre leader, raconte-t-elle. Ensuite, il a voulu être le secrétaire général du MNLA, mais nous avons refusé car il avait déjà des liens avec AQMI, je ne sais pas si c'est par conviction ou par opportunisme, sans doute les deux."

"QUE LES OCCIDENTAUX S'IMPLIQUENT"

Le mouvement indépendantiste, qui voit d'un très mauvais œil les tentatives de négociations amorcées depuis peu par Bamako avec le chef de file d'Ansar Eddine, assure qu'il cessera toute discussion si le gouvernement, désormais dirigé par cheikh Modibo Diarra, "négocie avec des terroristes". "On ne pourra jamais pardonner à Ag Ghali, il nous a fait trop de mal", assène Nina Wallet Intalou.

Exaspérée, elle tance: "Il faudra que les Occidentaux s'impliquent et nous donnent les moyens, ils donnent bien des millions pour libérer des otages. Depuis des mois, on nous promet une aide, mais rien, rien! Nous avons pourtant du pétrole, de l'uranium mais on nous laisse entre les griffes de ces gens!" "Hier, poursuit l'égérie du MNLA, de Tombouctou, on me disait que les djihadistes ont ouvert un camp militaire. Ils proposent à des jeunes de leur donner un véhicule, une arme. Quelqu'un qui était à dos d'âne se retrouve avec un 4×4, c'est comme ça qu'ils embobinent les gens."

Dans quelques jours, tous les dirigeants du MNLA devraient se réunir au Mali. Nina Wallet Intalou en sera.

Isabelle Mandraud (Nouakchott, envoyée spéciale)

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