25/11/2010

Nous sommes Là !

Nous, associations d’éleveurs, de maraîchers, des artisans (bref la société civile) vous disons que notre région, la région de Kidal n’est pas devenue un repoussoir humain et que nous sommes Là.

Aujourd’hui, ce n’est un secret pour personne que notre région traverse depuis un certain temps d’énormes difficultés. Ces difficultés /adversités sont liées à l’insécurité causée par le phénomène du trafic de drogue, les luttes politico tribales, la présence des groupes salafistes et les séquelles d’un conflit (rébellion) mal résolu ayant laissé sur le pavé des contingents de jeunes mécontents. Dans le contexte actuel, si l’on ne prend garde pendant qu’il est temps, ces jeunes désœuvrés risqueraient de s’inféoder aux réseaux mafieux omniprésents, faute d’emplois et d’intégration au processus du développement local.

Malgré tout ce qui se dit ça et là, nous osons affirmer que la région de Kidal reste fréquentable et ses populations ne sont pas devenues subitement « anthropophages ». Quelle horreur ! Quelle dégénérescence ! Dans la région, même s’il y a actuellement des individus mercantilistes, cupides et sans repères qui se livrent activement à des actions de banditisme de tous genres, ce qui est irréfutable, c’est que ces derniers, très minoritaires heureusement, n’agissent qu’en leur nom et cela ne peut pas servir de prétexte pour éclabousser, noircir l’image de toute une région et sa population : « touaregs terroristes fanatiques toujours cagoulés , grands bandits de chemin , criminels sans foi ni loi », entend-on dire un peu partout par certaines presses dont les objectifs sont peut être ethnocidaires. Nous en appelons donc au bon sens des uns et des autres pour ne pas faire de l’amalgame car comme chacun le sait, toutes les sociétés du monde sont faites de bons et de méchants. Et dans cette zone stigmatisée, il y a encore des hommes et des femmes, très nombreux qui sont restés eux-mêmes. Ces hommes sans armes en majorité éleveurs nomades, même s’ils ont perdu un peu de leur « couleur bleue » suite aux nombreuses sécheresses et influences extérieures ; malgré la tourmente des enjeux géopolitiques et économico stratégiques qui secouent leur région, ces hommes conservent pour autant toujours leur visage humain, leur âme et la substance de leur culture ouverte sur le monde à l’image du Sahara, culture basée sur des valeurs cardinales encore vivaces qui sont : l’hospitalité, la générosité, l’entraide, le respect de la dignité de l’autre.

Ces hommes de la brousse profonde n’aspirent qu’à la paix et au développement de leur région. L’insécurité dont on parle tant, ils ne la produisent pas, ne la cautionnent pas, mais ils la vivent comme tout le monde avec le sentiment chaque jour grandissant qu’ils ne sont plus maîtres de leur espace vital.

Aujourd’hui, les inimaginables stéréotypes dont souffre la région font que le développement économique est ralenti, voire bloqué. En effet, de nombreux petits projets sont en dormance faute de financements. Les Ong locales, les associations sont en train de perdre progressivement des partenariats bien noués et promoteurs car leurs bailleurs ont peur de la région. Toutes personnes européennes qui ont des réseaux, des contacts, des amis de longue date subissent une pression à la fois objective et souvent à la limite de la paranoïa pour ne pas aller sur place. Au-delà des réelles évolutions du terrain, on pourrait se demander si une quelconque force morale existe encore, force de ses idées, de ses actes, de sa propre dignité face à un adversaire de plus en plus organisé.

Il faut par ailleurs rappeler que quelques grands programmes de développement (DDRK, PIDRK, PADDEC-K) ont certes des contraintes majeures, mais continuent cependant à exécuter leurs actions de développement afin de ne pas laisser les populations seules, face à elles mêmes et sans perspectives. Cet effort fortement ressenti par les populations est une démonstration aux yeux des pessimistes que l’avenir de la région n’est pas scellé et définitivement plombé. Des actions de développement y sont toujours possibles.

Sans aucune intention de faire l’avocat du diable, nous estimons que les financements acquis ou annoncés au profit du développement des populations ne doivent pas être hypothéqués par une situation conjoncturelle. Cela est d’autant plus justifié qu’ailleurs dans d’autres régions du monde, dangereuses et foyers de violence dont les médias font l’écho tous les jours : Darfour, RDC, Somalie, Irak, Pakistan et Afghanistan « épicentre du terrorisme » pour ne citer que ceux-là, les institutions internationales travaillant dans l’humanitaire bravent quotidiennement tous les périls pour marquer leur présence auprès des populations locales en difficultés.

Alors pourquoi pas dans la région de Kidal qui n’est pas encore une fois de plus « un repoussoir humain»? Les partenaires au développement doivent donc revoir leur approche et faire montre d’un peu plus de courage. Mais pour que cela soit, et il faut absolument le rappeler, car il est très facile de demander à l’autre de faire preuve de courage ; courage dont on a soi-même besoin, le préalable reste nécessairement l’implication et l’engagement franc de l’ensemble des acteurs : élus locaux, société civile et l’Etat qui doit assurer le développement et la sécurité de tous ses citoyens.

En conclusion, face à l’actuelle situation qui inquiète plus d’un bailleur, notre approche est celle-ci : pour que survivent les idéaux communs qui ont inspiré les différents partenariats et les amitiés solidement nouées, pourquoi ne pas fonctionner sur le « faire-faire » en attendant la normalisation de la situation? Cette alternative provisoire, fondée sur la confiance réciproque est actuellement mise en oeuvre dans la région par de courageux partenaires financiers tels que : Autre Terre-Belgique, CCFD-France, EUROSID-Ong Italienne dont les projets sont réalisés correctement sur le terrain par le biais des partenaires locaux (associations, Ong, personnes ressources… etc).

Rousmane Ag Assilaken
Président de la coordination des associations paysannes de Tessalit - MALI
Tél : 00 223 79344211

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